Ne le cachons pas: en découvrant cette vague éblouissante, comment ne pas songer à ces tsunamis qui déferlent sur les côtes d'Asie...? Katsushika Hokusai est l’artiste japonais le plus célèbre à travers le monde. Son oeuvre universelle, La Grande Vague de Kanagawa, est à Hokusai ce que La Joconde est à Léonard de Vinci. C'est elle qui attire les foules. Cette mer rugissante, prête à engloutir une embarcation, alors qu'au loin se dessine la silhouette immobile de la montagne sacrée, subjugue et inquiète de façon subliminale. Il faut aller au Grand Palais pour admirer ces estampes. Le Fuji y règne en Maître, apparaît ocre, sommet enneigé, sous un ciel bleu intense strié de nuages, les pieds couverts d'une dense végétation. "Là, les couleurs éclatent, l'impermanence du monde se révèle et la poésie de l'artiste transparaît. Comme Hokusai l'expliquait, avant sa mort à l'âge de 89 ans, il aura, toute sa vie, cherché à rendre "le moindre point, le moindre trait vivants''.
Hokusai, c’est beaucoup plus que les «Trente-Six Vues du mont Fuji», même si avoir cette série sous les yeux reste un des émerveillements de cette expo, note la critique Elizabeth Dumas. "Les originaux rendent justice aux prouesses du coloriste, à ses magnifiques dégradés de bleus, cette attention témoignée au passage du temps et au changement de climat. On y constate qu’un Fuji rougi par le couchant ne l’est pas pareillement s’il y a vent du sud et ciel clair ou bien orage aux abords du sommet. Et ceux qui songeront à Claude Monet et ses vues de la cathédrale de Rouen peintes une soixantaine d’années plus tard n’auront pas tort : c’est la découverte de l’œuvre de Hokusai qui lança en France la mode du japonisme", à partir des années 1850 (Monet possédait, entre autres estampes de sa collection, une vingtaine de planches signées de Hokusai).
A partir de 1810, Hokusai souhaite transmettre son expérience en s'attelant à la création de ce qu'il appelle des mangas, des manuels d'apprentissage de la peinture. On y trouve des milliers de dessins à l'encre. Papillons, escargots, araignées, monstres aux multiples yeux, femmes en kimono... peuplent ces planches, qui contiennent également tous les motifs végétaux traditionnels au Japon comme les branches de prunier ou les fleurs de cerisier.
Cette oeuvre particulière abrite plus de 4000 planches. Le peintre l'a commencée à l'âge de 55 ans et l'a conçue au départ pour ses apprentis, un modèle d'organisation qui peut rappeler celui d'un "mangaka" distribuant les rôles au sein de son équipe de dessinateurs - en l'occurrence 200 personnes réparties dans tout le Japon.
Si Hokusai porte en lui les germes du "manga" moderne, c'est notamment parce qu'il s'adresse à toutes les couches de la population. L'artiste a aussi changé d'identité à de nombreuses reprises - on compte 17 signatures principales correspondant parfois au passage d'une école picturale à une autre ou à un nouveau statut. En accumulant des centaines de croquis, Hokusai se détache aussi de l'image qu'on lui a donné, celui d'un artiste incarnant uniquement "la spiritualité" de son pays pour en sonder l'âme.
Cette volonté de représenter la "vie vulgaire" et de rendre compte du quotidien d'une époque, coûta probablement à Hokusai la renommée dont il aurait pu jouir. S'il est un artiste populaire, la gloire qu'il aurait mérité de recevoir pendant sa carrière, le peintre en hérite de manière posthume et notamment en France.
A 74 ans, Hokusai déclara vouloir vivre plus de 110 ans, afin d’atteindre, selon lui, son véritable épanouissement artistique. «Tout ce que j’ai produit avant l’âge de 70 ans ne vaut pas la peine d’être compté», avait-il balayé. La citation se trouve dans l’une des dernières salles de l’exposition, humble point d’orgue à une vie jalonnée de chefs-d’œuvre.
Son oeuvre peint, dessiné et gravé incarne la spiritualité et l’âme de son pays, particulièrement ses estampes de paysages, synthèse remarquable entre les principes traditionnels de l’art japonais et les influences occidentales.
Conçue en deux volets, l’exposition présente 500 oeuvres exceptionnelles, dont une grande partie ne quittera plus le Japon à compter de l’ouverture du musée Hokusai, à Tokyo en 2016.
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Exposition organisée par la Réunion des musées nationaux – Grand Palais. - See more at: http://www.grandpalais.fr/fr/evenement/hokusai#sthash.peHCi8Tp.dpuf
