Ce n’est pas une expo, c’est un miracle. Un voyage qui vient d’être prolongé jusqu’au 5 mars : on peut s’y rendre dans la froideur de la nuit, jusqu’à 23 heures... Ou pour le petit déjeuner, offert par la Fondation ! La collection Chtchoukine n'est pas une collection comme les autres. Sergueï Chtchoukine n’était pas un collectionneur comme les autres… Celui qui fut l’un des plus grands mécènes du XXème siècle a partagé l'audace des Matisse, Derain ou Picasso au moment où leur art faisait basculer la peinture dans un monde encore inconnu.
"De l'audace, il en fallait pour affronter les gardiens du bon goût, les invectives et les caricatures provoquées par le fauvisme ou le cubisme dont personne aujourd'hui ne s'aviserait de contester la pertinence. Il fallait aussi un penchant pour l'aventure, de l'attirance pour la singularité et une certaine générosité, même si le coût de ces œuvres était encore raisonnable pour des mécènes fortunés, écrit Laurent Wolf dans la Revue Etudes. Rien ne permettait alors de deviner les prix stratosphériques qu'elles atteindraient cent ans plus tard et rien ne garantissait que les tableaux accumulés avec fièvre et avec ferveur deviendraient des « icônes de l'art moderne », comme l'indique le titre de l'exposition de la fondation Louis-Vuitton.
Anne Baldassari démontre cette exception avec clarté en prenant par la main les visiteurs et en les menant des toiles de Matisse et Picasso jusqu'aux apothéoses de l'abstraction des constructivistes russes. Lors de ses premiers voyages à Paris, Chtchoukine commence à tâter l'eau de la modernité artistique avec tact. Il rencontre des marchands comme Paul Durand-Ruel. Il s'intéresse à Claude Monet, Paul Cézanne ou Vincent van Gogh. Il achète. Mais son premier grand coup est l'acquisition de seize Gauguin de la dernière période qu'il accrochera chez lui bord à bord comme dans une iconostase orthodoxe".
"Plusieurs facteurs accélèrent sa vocation de collectionneur. D'abord, la fortune, celle de son entreprise ajoutée à celle de son épouse dont la famille est propriétaire de mines en Ukraine. Ensuite, l'emménagement dans le palais Troubetzkoï qui joue comme un appel d'air. Et les tragédies familiales, avec suicides et morts précoces, qui le plongent dans le désespoir. Enfin la rencontre avec les artistes, les marchands et les collectionneurs parisiens, en particulier avec les Stein.
Entre la fin du XIXe siècle et 1914, Sergueï Chtchoukine achète principalement à Paris où il devient un témoin et un acteur de la révolution artistique. Il installe 275 œuvres dans les salles de sa résidence moscovite, le palais Troubetzkoï. La fondation Louis-Vuitton a donc réussi le tour de force d'en faire venir la moitié en France et complète cette noria de chefs-d'œuvre avec une trentaine de peintures et de sculptures de l'avant-garde russe, au total 160 numéros. Elle réunit ainsi des tableaux aujourd'hui dispersés entre les musées de Moscou et de Saint-Pétersbourg et reconstitue certains des ensembles installés par le collectionneur dans son palais. L'exposition permet d'imaginer le choc ressenti par de jeunes artistes comme Kasimir Malevitch quand ils virent cette collection après que Chtchoukine l'eut ouverte au public en 1908. Un authentique trésor.
http://hd.fondationlouisvuitton.fr/p/Chtchoukine_FR_arte360_4K.mp4
- Pendant les vacances scolaires, l’exposition sera ouverte tous les jours de 9h à 21h.
- Durant la dernière semaine, l’exposition sera ouverte 7 jours/ 7 de 7h à 23h et jusqu’à 1h du matin le samedi 4 mars.
Chaque matin de 7h à 9h se tiendront les Morning Chtchoukine pendant lesquels la Fondation offrira un petit déjeuner au public.
https://www.revue-etudes.com/article/la-collection-chtchoukine-icones-de-l-art-moderne-18117