L'alambic flambant neuf est immatriculé 751301: 75 pour Paris, 13 pour 2013, année de création, 01 pour la première distillerie du XXIe siècle. Pour la première fois depuis un siècle, une micro-distillerie a ouvert ses portes dans le Xe arrondissement.
En 1914, après de nombreux incendies, la mairie de Paris avait interdit la manipulation et la distillation d’alcool dans la capitale. Nicolas et Sébastien Julhès, deux frères passionnés se sont lancés dans le projet fou de créer une micro-distillerie légale dans Paris. « On s’est débattu, on a frappé aux portes, fait tomber des barricades et puis finalement on a gagné », explique Nicolas Julhès. « Distillerie de Paris. 751301. Made in Paris ». Ce simple matricule indiqué sur l’étiquette, représente le fameux sésame. « Je ne revendique pas une une recette qui remonte à la nuit des temps, ajoute Nicolas Julhès. Mes alcools se passent d'histoire. Je crée, c'est tout. Pour arriver à mes fins, je reconnais que le luxe ultime est d'être à Paris, sans la pression du respect des savoir-faire qui vous bride, vous limite, vous étouffe.» Les créateurs ont pour objectif de faire un musée de leur distillerie. Un espace proposant aussi des ateliers pratiques autour de la création d’alcool.
L'entrée est au 54, rue du Faubourg-Saint-Denis. Dans ce quartier se croisent les communautés indienne, caribéenne, ashkénaze... « Paris est le plus beau terroir de création au monde pour faire de l'esthétique et il y a mille influences, mille odeurs à chiper.»
Nicolas Julhès met donc Paris dans des bouteilles. Pour cela, il distille du riz, de la canne à sucre, du seigle, de l'orge, du miel, de la sève d'agave et donne naissance à des whiskies, des gins «inspirés des chypres de François Coty», des rhums «qui ont la froideur des alcools scandinaves», des vodkas «chaudes comme des rhums»... «Quarante-cinq produits différents en deux ans, c'est complètement irrationnel, » reconnaît-il devant l’étonnement des journalistes.
«J'utilise mes différentes barriques pour sculpter le goût, je peux utiliser dix fûts différents pour seulement six mois de vieillissement.» Résultat: 15.000 bouteilles produites en 2016. Artisanal...
Tel le sourceur Johnnie Walker, Nicolas Julhès déniche, sent, savoure, se passionne. Une « esthétique du goût » qu'il applique d'une obsession à l'autre, du panettone au maotai. Les spiritueux le portent. «Le jasmin lie les éléments entre eux, la cardamome texturise, la racine d'iris fixe les fumets, les écorces d'agrumes fournissent de la tension, la réglisse laisse une impression de fraîcheur», raconte Nicolas Julhès.
Rue du Faubourg Saint-Denis, il réalise autrement des eaux-de-vie matures en trois à douze mois. Près de 50 à ce jour. Dernière curiosité en date, un Negroni à la tireuse. « La distillerie est mon sanctuaire, l'endroit le plus cool sur terre. »
La Distillerie de Paris, 54, rue du Faubourg-Saint-Denis, Paris (Xe)
www.distilleriedeparis.com
