Il n’est peut-être rien de plus simple que La Bohème : un jeune homme et une jeune fille se rencontrent, s’aiment, sont séparés par la vie, et se retrouvent pourtant avant la séparation suprême. C’est à Paris, un Paris à la fois légendaire et bien réel, au temps éternel de la bohème. De cette simplicité sourd le surnaturel, une émotion toujours nouvelle et irrépressible. Dans La Bohème, Puccini a su créer des images fortes : Mimi entrant une bougie à la main dans la chambre du poète, le duo d’amour sous la lune, le grand café illuminé, les adieux impossibles dans le matin glacé, la mort enfin sur le lit misérable. Mais les lieux sont autant de régions de nous-mêmes : son café Momus, c’est le tournoiement même de l’existence, sa Barrière d’Enfer l’effrayant désert du coeur. La Bohème évoque ce qui nous hante tous : l’amour qui flamboie et nous emporte au ciel, la jeunesse qui s’enfuit et le temps qui détruit tout. En 1896, Puccini a encore de nombreux chefs-d’oeuvre devant lui. Mais plus jamais peut-être, il ne retrouvera cette évidence et cette splendeur de la mélodie où chaque phrase nous touche et est inscrite en nous depuis le premier jour où nous l’avons entendue.
« En jouant explicitement la carte du néo-réalisme, le décor de Dante Ferretti conserve la nostalgie des bluettes sentimentales imaginées par Henti Murger à l’origine du livret de Giuseppe Giacosa, écrit Daniel Verdier. Pas un détail ne manque dans cet univers transposé au début du XXe siècle, depuis les intérieurs du café Momus et la chambre sous les toits en passant par cette sinistre porte d’Enfer avec urinoir public et publicités pour apéritifs.
Les scènes sont simples et l’émotion à portée d’intellect. Libre à ceux qui voudraient aller plus loin d’examiner les allusions (nombreuses) au cinéma des années folles et le fait que Miller joue sur l’évitement des clichés associant les artistes « bohèmes » avec leur discipline artistique ».
Opéra en quatre tableaux. Le livret est une adaptation des Scènes de la vie de bohème de Murger, parues en feuilleton dans le journal parisien Le Corsaire, entre 1845 et 1849, et représentées peu après, sous une forme dramatique coécrite par Théodore Barrière, au Théâtre des Variétés. Comme dans la pièce, Puccini et ses librettistes, Giacosa et Illica, condensèrent deux personnages de Murger pour donner naissance à la fragile figure de Mimi, qui occupe, avec son amant Rodolfo, le devant de la scène. Mais au-delà d’un groupe de personnages pittoresques (avec l’opposition d’un couple « tragique », Rodolfo/Mimi, et d’un couple « fantaisiste », Marcello/ Musette) et d’un mode d’existence qui lui rappelait celui qu’il avait lui-même connu, lors de ses années de conservatoire, le compositeur voulait aussi dépeindre une ville à travers mille détails et mille touches impressionnistes. Entreprise réussie, puisqu’à la création, Debussy ne put s’empêcher de déclarer : « Je ne connais personne qui ait décrit le Paris de cette époque aussi bien que Puccini dansLa Bohème. »
L’opéra fut créé le 1er février 1896 au Teatro Regio de Turin, sous la direction d’Arturo Toscanini, alors âgé de 28 ans. La création parisienne, sous le titre de La Vie de bohème et dans la version française de Paul Ferrier, eut lieu le 13 juin 1898, au Théâtre Lyrique de la Place du Châtelet, où s’était réfugié l’Opéra-Comique en 1887, après l’incendie de la Salle Favart.
« La rondeur de la puissante soprano Maria Agresta séduit d’emblée, note Dan Torres. Elle interprète une Mimi frêle et délicate, toute en nuances, face à un Stefano Secco (entendu la saison dernière dans les Contes d'Hoffmann) extraordinaire. Le ténor incarne un Rodolfo sincère et émouvant, déchiré entre l’amour et la culpabilité. Il emplit la salle de son timbre clair et rayonne jusqu’à son cri ultime. Pour leur prise de rôle dans cette mise en scène, ils sont ovationnés à plusieurs reprises ».
Après avoir été jouée 1496 fois dans la même production de l’Opéra-Comique (décors de Lucien Jusseaume), l’œuvre fait son entrée au Palais Garnier, en version originale, en novembre 1973, dans une mise en scène de Gian Carlo Menotti et des décors de Pier Luigi Samaritani. En décembre 1995, La Bohème est présentée pour la première fois à l’Opéra Bastille, dans une mise en scène de Jonathan Miller et sous la direction de James Conlon. C’est cette production, reprise en 1996, 1999, 2001, 2003, 2005, 2009 et 2014, qui est de nouveau à l’affiche.
https://www.operadeparis.fr/saison-2014-2015/opera/la-boheme-puccini
MUSIQUE DE GIACOMO PUCCINI (1858-1924) LIVRET DE GIUSEPPE GIACOSA ET LUIGI ILLICA D’APRÈS LE ROMAN DE HENRI MURGER SCÈNES DE LA VIE DE BOHÈME EN LANGUE ITALIENNE
https://www.operadeparis.fr/videopera/la-boheme