«Oscar Wilde, l’impertinent absolu»

Allez voir le sublime « Saint Sébastien » de Guido Reni au Petit Palais ! « Ce chef-d’œuvre quitte rarement le Palazzo Rosso de Gênes et n’était jamais venu à Paris », nous raconte Libération. «Ce tableau a marqué la vie d’Oscar Wilde, nous ne pouvions pas ne pas le prêter», commente Piero Boccardo, le directeur du musée génois, qui a étudié le rapport entre l’écrivain et cette toile (laquelle a aussi inspiré le Japonais Mishima). C’est en 1877 qu’Oscar Wilde s’extasie devant le saint Sébastien, son «idéal de beauté». Les dernières années de sa vie, en exil à Paris, il se fera appeler Sébastien Melmoth, endossant ainsi le prénom du martyr.

Comment monter visuellement une manifestation biographique sur un écrivain, dont les traces tiennent le plus souvent à des écrits et éviter de ne montrer que de vieux papiers, parfois rébarbatifs pour le visiteur ? «Nous présentons des manuscrits et des photographies, mais aussi des tableaux qu’Oscar Wilde a admirés ou des portraits de personnalités marquantes de sa vie», souligne Christophe Leribault, le directeur du Petit Palais. C’est la plus grande exposition jamais créée sur l’auteur du Portrait de Dorian Gray, né en 1854 à Dublin. Verdict de Fredérique Roussel :« Une exposition s’apparente parfois à un petit miracle. » Suivons-le.

Le parcours se veut chronologique, mais traversé de profondes échappées, avec des tableaux vus par l’Oscar Wilde critique d’art ou un focus sur sa pièce Salomé écrite en français. Ce francophile invétéré, célébrité du Père Lachaise, a été inspiré par Gustave Moreau ou Joris-Karl Huysmans, et a fréquenté André Gide et Stéphane Mallarmé.

Outre le saint Sébastien, de nombreuses toiles sont sorties pour la première fois de collections américaines. C’est le cas d’un imposant portrait de l’écrivain par l’Américain Harper Pennington, élève de Whistler, daté de 1883, prêté par la Clark Library de Los Angeles, qui possède l’une des plus grandes collections Wilde au monde. «Le testament de monsieur Clark exigeait qu’aucune pièce ne sorte,précise Merlin Holland (lire ci-contre), petit-fils d’Oscar Wilde, co-commissaire avec Dominique Morel. Il a été redéfini depuis peu par la justice américaine, et ils prêtent pour la première fois une quinzaine d’objets.»   On peut aussi admirer l’étonnant la Nuit et le Sommeil portant le corps blessé de Sarpédon de William Blake Richmond, retrouvé in extremis dans une collection particulière par Christie’s avant le bouclage du catalogue. Wilde, qui affectionnait les peintres inspirés par la mythologie, le considérait comme une œuvre «de la plus haute excellence artistique». La copie, qui était sous les yeux de Wilde et qui comporte, elle, une tourterelle, se trouve en fait à Birmingham.

oscar-wilde-2Beaucoup d’éléments de la vie personnelle de l’écrivain parsèment également l’exposition. La première salle met en scène son enfance avec des photos de famille et des écrits de jeunesse, tout en les confrontant avec des toiles flamboyantes, comme celle de John Singer Sargent, représentant l’actrice Ellen Terry en Lady MacBeth.

A la différence de beaucoup d’écrivains du XIXe siècle, Oscar Wilde a une existence posthume excessivement figurative, ayant été portraituré et beaucoup photographié, avec une présence sur les images qui crève le papier.

Le manuscrit du Portrait de Dorian Gray, en provenance de la Morgan Library de New York, est ouvert sur le passage où le peintre admet sa passion pour le jeune Dorian. Pour la publication du roman, paru d’abord en feuilleton, Wilde enleva notamment ce passage (1) qui avait servi d’argument, par son caractère soi-disant sodomite, à ses détracteurs lors de son procès. La fin de sa vie est connue : ce sera la prison et l’exil, figurés ici par des pièces à conviction, des témoignages, une lettre à André Gide pour lui réclamer de l’argent («Si vous pouvez me prêter 220 francs. La souffrance est possible et peut-être nécessaire, mais la pauvreté, la misère salit l’âme de l’homme.»).

Mais il ressort également du portrait de cette personnalité intense, tragique et magnifiée, des traits d’humour qu’il pouvait manifester même dans le plus complet abattement et qui font sourire encore cent vingt ans plus tard. «Je suis marié comme saint François d’Assise : je suis marié à la pauvreté, écrit-il à une amie anglaise. Et comme on voit le mariage n’a pas de succès.»

Oscar Wilde, l’impertinent absolu 

Au Petit Palais (75008). Jusqu’au 15 janvier 2016

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